Adon (stage)
Ruines Khmers (Thaïlande)
Dans une arène d’entraînement de Muay Thaï, tapie au coeur des ruines Khmers, Adon, seul devant son miroir, repensait au passé.
Pour Adon, qui était né au sein d’une famille pauvre, ces ruines concentraient sur elles toute sa frustration. Situées aux confins de la ville, elles étaient une enceinte sacrée où ne pouvait combattre que l’élite des lutteurs. Il n’avait que 5 ans quand son père le prit par la main et qu’il visita les ruines pour la première fois. Il y avait déjà foule et l’arène était richement décorée, car c’était là qu’allait combattre sa majesté l’Empereur Nuakan.
Les uns après les autres, les combattants défiaient l’Empereur et finissaient au tapis. Perché sur les épaules de son père, il ne manquait rien des mines défaites des perdants.
Si les gens autour de lui détournaient pudiquement le regard, Adon, lui, n’avait pas la moindre considération pour ces hommes. Ses yeux ne pouvaient se détacher de la beauté des mouvements de l’Empereur. Il en souhaitait même qu’on fasse venir quelqu’un de plus fort, pour le seul plaisir de voir encore combattre Nuakan.
Quelques années plus tard, vint le jour où Nuakan fut déchu de son trône.
L’homme qui avait vaincu l’Empereur était à peine plus âgé qu’Adon. C’était un adolescent, trop jeune encore pour être qualifié de “combattant”. Il s‘appelait Sagat.
C’était une nuit de lune rousse. Il flottait comme un parfum d’étrangeté autour de ce combat sans pitié où n’avait été admis qu’un nombre restreint de spectateurs, et la lueur de cette lune qui baignait les statues khmers de la trinité bouddhique trikâya* ajoutait à la fantasmagorie ambiante. Adon, qui avait suivi son père en cachette, assistait au match grâce à une fissure dans le mur de pierres.
Sur les dalles où avait coulé le sang de tant de rixes mortelles, deux hommes se faisaient face. L’un d’eux était l’Empereur Nuakan. En tenue de cérémonie, il avait les cheveux attachés à l’arrière de la tête. L’autre était Sagat. Dénué de tout ornement superflu, il se contentait de fixer l’Empereur d’un oeil perçant.
Les aides de l’Empereur le débarrassèrent de sa tenue. Le terrible combat allait enfin commencer. Un homme avec un dragon doré brodé sur l’épaule abaissa son bras pour donner le signal du départ. La tension était palpable entre les deux combattants, chacun cherchant la faille chez son adversaire.
C’était un monde inaccessible au commun des mortels. Même les lutteurs de haut niveau dans l’assistance peinaient à suivre avec précision les mouvements échangés entre Sagat et l’Empereur.
Non…quelqu’un y parvenait. Adon.
Au comble de l’excitation, il sentait ses 5 sens s’affûter à mesure qu’il regardait le match.
A l’issue de cet échange de coups frénétique, c’est Sagat qui resta le dernier debout sur les dalles en pierre de l’arène. Alors qu’il avait le poing droit brisé, Sagat avait enchaîné les frappes sur le flanc blessé de l’Empereur, jusqu’à ce que celui-ci finisse par lui céder sa place sur le trône.
Ce match hors du commun marqua un tournant dans la vie d’Adon. Et quelques années plus tard, il frappait à la porte du dojo de Sagat. Persuadé que tôt ou tard, il deviendrait son égal, et qu’une fois ce jour venu, il pourrait alors l’affronter.
Mais à présent... Son mentor avait fléchi face à ce combattant venu d’ailleurs, et s’était évanoui dans la nature. Adon tendit le poing devant son reflet avec ces mots : “Maître… Non ! Sagat ! Je te montrerai qui est le vrai dieu du Muay Thaï !”
*
Il s’agirait d’un ensemble de trois statues représentant les trois formes d’Eveil du Bouddha historique. Plus d’infos ici : https://fr.wikipedia.org/wiki/Trik%C4%81ya
Source et version anglaise :
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